Du boulevard Maillot à l’avenue Charles de Gaulle. Cette nouvelle dénomination s'est substituée, dans la partie de la rue de Montrosier proche du Bois de Boulogne, et a été donnée, le 15 janvier 1963, selon la délibération du conseil municipal, présidé par Achille Péretti, afin de rendre hommage à un suédois qui a sauvé Paris de la destruction, en 1944.
Gustave Nordling, fils de pasteur luthérien, était originaire de Stigsjô, petite ville située dans le Nord de la Suède. Préférant la diplomatie à la vocation religieuse, Gustav Nordling commença sa carrière en 1870, en tant que vice-consul de Suède, en Algérie. Sa deuxième affectation, en 1874, lui permettra de rejoindre la France, d'abord au Havre, puis à Paris. Là il n'a pas tardé à s'attacher à une jeune française, Jeanne Scapre, d'une famille protestante auvergnate. La famille compta six enfants, dont Raoul qui est né à Paris, le 11 novembre 1882 et qui assumera le rôle d'aîné, après la mort de son frère Erik, qui décéda de la tuberculose en 1901. De vice-consul, Gustav Nordling a été promu consul de Suède, avec une affectation en Chine. Son épouse refusa de quitter Paris. Père d'une famille nombreuse, Gustav dut exposer son dilemme au roi de Suède, Oscar II. Il resta détenteur d'une charge personnelle, non rémunérée par l'État suédois.
Le père de Raoul Nordling se vit contraint de créer des sociétés commerciales, pour rétribuer les employés du consulat et subvenir aux besoins de sa famille. Le bois, richesse naturelle du Grand Nord suédois, dont il était originaire, a permis à Gustav Nordling de créer une activité en France. D'abord agent de scieries suédoises, exploitant ensuite d'autres agences, il a fondé sa propre société. Après avoir fait ses études secondaires au lycée Janson-de-Sailly, Raoul Nordling va en Suède faire son service militaire, et est nommé, en 1905, vice-consul de Suède à Paris, comme son père précédemment, jusqu'en 1926. Puis depuis cette date jusqu'en 1958, il sera consul général de Suède à Paris. Mais entre temps, après le décès de son père, il reprend la tête de la Société NordlingMacé, spécialisée dans les pâtes à papier et les cartons, et également celle de la Société Gustav Nordling, importatrice de bois. Il va alors créer la société Nordling Fils pour les produits chimiques, et il prend une participation dans la société Siporex spécialisée dans les matériaux de construction. Il s'était installé sur la butte Montmartre où il fréquentait les milieux d'artistes, et comptait, parmi ses amis, le peintre Utrillo. Outre sa carrière de diplomate, Raoul Nordling a donc eu une activité industrielle très intense. Il participa également à la création de la société suédoiseAlfa-Laval en France : la société des écrémeuses fondée, en 1907, par un Écossais H.H. Mac Col!, très lié avec la Suède. Élu membre du conseil d'administration, le 2 octobre 1908, puis président, le 16 février 1932, il conservera son mandat jusqu'en 1962. Resté longtemps célibataire, car à la mort de son père, il se trouva en position de chef de famille, il aida beaucoup ses soeurs, pendant la Première Guerre mondiale. En 1927, il épouse Suzanne Roche, mais le couple n'eut pas d'enfants et il s'occupa plus particulièrement de ses neveux.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclata, le corps consulaire, y compris l'ambassadeur de Suède, quitta Paris. C'est ainsi que Raoul Nordling se retrouva doyen du corps diplomatique. Avec le consul de Suisse, il resta à Paris, pour représenter les nations non belligérantes. Durant l'Occupation, il aida à sauver de la déportation de nombreux prisonniers politiques et réussit, grâce à son intervention auprès de l'état-major allemand de Paris et en particulier du général von Choltitz, à faire sortir plus de 4 000 personnes des prisons allemandes, au début du mois d'août 1944. À la demande de la Résistance française, il contribua à convaincre le haut commandement allié de l'impérieuse nécessité de libérer Paris, avant de marcher sur l'Allemagne et d'éviter ainsi la destruction programmée de la capitale française. Raoul Nordling savait qu'il fallait enrayer tout mouvement insurrectionnel des Francs-Tireurs Partisans (FTP) pour éviter que le général Von Choltitz n'exécutât l'ordre de destruction de Paris. Au cours d'une trêve, le général lui proposa un sauf-conduit pour se rendre auprès des Alliés. Ainsi les renforts SS — Schutz-Staffel, police militarisée de l'Allemagne nationale-socialiste — envoyés par Berlin n'atteindraient pas Paris et une reddition dans l'honneur pourrait être négociée. Mais frappé par un malaise cardiaque, Raoul Nordling ne put se rendre lui-même auprès des Alliés.
Ce fut son frère, Rolf, qui le remplaça et porta le message auprès du général Bradley. La mission Nordling contribua à calmer la tension qui existait entre le général Eisenhower et le général de Gaulle qui voulait que Paris fut libéré, au lieu d'être contourné. Finalement, la 2e DB, division blindée, du général Leclerc et un détachement de l'armée américaine sauveront la capitale d'une destruction totale. La ville a su montrer sa reconnaissance. Décoré en 1948 de la croix de Guerre avec palmes, Raoul Nordling a été nommé citoyen d'honneur de la ville de Paris, en 1958. Il décéda, à Paris, le ler octobre 1962. Le 15 janvier 1963, le maire de Neuilly, Achille Péretti, lui rendait hommage en ces termes :
« La ville de Neuilly a toujours marqué une nette tendance à rendre hommage à ceux qui, soldats ou civils, ont rendu des services tant à la cité qu'à la France entière. La reconnaissance ne connaît pas de frontière et c'est pourquoi la municipalité tient une fois de plus à honorer tout particulièrement la mémoire d'une haute personnalité étrangère. Monsieur Raoul Nordling, consul général de Suède à Paris, dont le rôle de médiation, lors de la libération de notre patrie, s'est particulièrement manifesté à Neuilly-sur-Seine, en août 1944. Je vous propose... que le nom de Raoul Nordling soit donné à la partie de l'actuelle rue Montrosier, située entre le boulevard Maillot et l'avenue de Neuilly... »